Sarah Abitbol: La patineuse brise l'omerta

De la couche aux patins
Sarah Abitbol, née le 8 juin 1975 à Nantes, grandit avec son frère à Nantes d'un père, propriétaire d'une boite de nuit. Elle commence le patinage dès l'âge de sept ans à la patinoire de Rezé en Loire-Atlantique.
Son partenaire en couple est Stéphane Bernadis avec lequel elle patine à compter de 1992. Avec ce dernier, elle a remporté une médaille de bronze aux championnats du monde 2000. Ils sont devenus le premier couple français à remporter une médaille aux championnats du monde depuis l'or remporté par Andrée Brunet et Pierre Brunet en 1932. Ils remportent également 7 médailles aux championnats d'Europe (bronze et argent), 3 Grands Prix internationaux, et 10 championnats de France.
Une carrière à la hauteur du talent
- Abitbol a commencé à faire équipe avec Stéphane Bernadis en 1992, à la suite d'une épreuve de détection pour couple organisée à Paris-Bercy. Ils travaillent avec l'entraîneur Jean-Roland Racle.
Ils remportent le premier de leurs dix titres nationaux, en 1994. En 1996, Sarah et Stéphane remportent leur première médaille aux championnats d'Europe, une médaille de bronze.
- En 1999, leur entraîneur Jean-Roland Racle quitte Bercy pour Boulogne. Abitbol et Bernadis se tournent donc vers Stanislas Leonovitch. Les championnats du monde 2000 se déroulent à Nice. La veille du programme libre, Stéphane Bernadis est agressé dans sa chambre d'hôtel par un déséquilibré qui lui fait une entaille sur l'avant-bras. Malgré cette blessure, Abitbol et Bernadis se présentent sur la glace pour livrer leur programme libre. Le couple remporte la médaille de bronze.
Aux championnats du monde 2001, ils doivent déclarer forfait pour cause de blessure. Pour la saison 2001/2002, ils se tournent vers Tatiana Tarassova et Nikolai Morozov pour l'élaboration de leur programme libre. Ils remportent la médaille d'argent aux championnats d'Europe 2002. Une semaine avant les Jeux olympiques de Salt Lake City, Sarah se blesse durant l'entraînement. Une rupture au tendon d'Achille les contraint à déclarer forfait pour les Jeux olympiques. Sarah se fait opérer et retourne sur la patinoire en juin 2002.
- Pour la saison 2002/2003, Sarah et Stéphane travaillent toujours avec Tatiana Tarassova. Toutefois, ils se tournent vers Jean-Christophe Simond comme entraîneur. Ils remportent leur dixième titre national, suivi d'une médaille d'argent aux championnats d'Europe. Toutefois, les championnats du monde 2003 ne se passent pas très bien et le couple termine à la 12e place.
Le 1er août 2003, Sarah et Stéphane décident de se retirer de la compétition. Le couple se joint à la troupe Holiday on Ice et la tournée européenne Diamants Diamants. Les années suivantes, ils participent également à différentes tournées en compagnie de plusieurs membres de l'équipe de France : on les voit avec les Légendes de la glace, les Étoiles de la glace et Champions on Ice.
- En 2007, Sarah Abitbol crée sa propre troupe et son spectacle Rêves de glace. Elle propose ce nouveau show aux mairies de France. L'aventure se poursuit en 2008 avec une nouvelle tournée. C'est Sarah Abitbol qui met en scène le spectacle. Elle est entourée des chorégraphes Sébastien Lefrançois et Richard Leroy, et du compositeur Maxime Rodriguez.
En 2009, Sarah Abitbol avec son partenaire Stéphane Bernadis participent en tant que vedettes dans la Troupe d'Holiday on Ice Energia.
Depuis 2011, la troupe Rêves de Glace réalise des tournées nationales avec la Production IMSOS.
- Fin 2013, elle participe à la première saison de l'émission de M6 Ice Show en tant qu'entraîneur.
En 2014, Sarah Abitbol participe avec son partenaire Stéphane Bernadis à la tournée Holiday on Ice 2014. Une tournée unique qui a réuni les champions de leur génération, comme Philippe Candeloro et Surya Bonaly.
En 2022, Sarah Abitbol revient avec Holiday On Ice Supernova pour une tournée Nationale.

Derrière le rêve d'une patineuse artistique, l'enfer de toute une vie
Dès qu'elle a posé un pied sur la glace, Sarah Abitbol est tombée
amoureuse du patinage. Alors qu'elle enchaîne les victoires lors de
compétitions départementales et régionales, elle est repérée par Gilles
Beyer, responsable du Club des Français Volants de Bercy. Sarah et sa
famille déménagent alors à Paris. Une nouvelle vie commence... Avec son
entraîneur Jean-Christophe Simond, Sarah prend son envol, la confiance.
Lui entrevoit vite chez la jeune fille une volonté farouche de réussir.
Si bien qu'à 14 ans Sarah décroche la médaille d'or des Championnats de
France Espoirs. Mais le rêve s'écroule quand Jean-Christophe Simond doit
partir. « Un entraîneur, c'est quelqu'un qui fait presque partie de ta famille
», confie Sarah. Mais Gilles Beyer décide de reprendre sa carrière
prometteuse en mains. La jeune patineuse y croit à nouveau. Sa mère
Martine confie que « tout s'est passé facilement au départ... ».
« Au départ... », répète-t-elle les larmes aux yeux...
Au-delà de ses méthodes hors normes et de son autorité, Gilles Beyer est
un entraîneur reconnu et respecté qui n'hésite pas à pousser ses jeunes
athlètes aussi bien mentalement que physiquement. Et, pour Sarah,
l'enfer commence en 1990, à La Roche-sur-Yon, lors d'un stage d'été
visant à la préparer aux Championnats du monde junior. Un soir de
juillet, alors qu'elle est endormie, elle reçoit la visite de Gilles
Beyer dans sa chambre... « Il commence à m'embraser, j'ai l'impression que je rêve, que ce n'est pas réel... Et il continue et ça va un peu plus loin. »
Le début du cauchemar pour Sarah qui s'enferme dans le silence. Un si
long silence... De retour à Paris, l'enfer continue. Son bourreau
multiplie les violences sexuelles. « Vous me violez dans le parking, les vestiaires, tous les recoins de la patinoire dont je ne soupçonnais pas l'existence », raconte la patineuse dans son livre. Durant deux ans, Sarah subit les viols de son entraîneur en silence, se sentant « sale et honteuse » et, sur la glace, enchaîne les chutes. La flamme s'est éteinte. « Il y a quelque chose de cassé dans mon corps et dans mon âme », confie-t-elle.
À 17 ans, elle rencontre Stéphane Bernardis, son partenaire sur la glace
qui ne tarde pas à le devenir dans la vie. Auprès de lui, elle oublie
cette partie de sa vie et retrouve la passion du patinage. Les amoureux
de la glace enchaînent les victoires en couple et deviennent
vice-champions de France et médaillés de bronze aux Championnats du
monde. Mais, à quelques jours des J.O. prometteurs de Salt Lake City,
Sarah se brise le tendon d'Achille, et le couple est obligé de déclarer
forfait.
Après une rééducation intensive, ils redeviennent champions d'Europe,
mais pour Sarah, le cœur n'y est plus. Le couple se sépare et tourne la
page de la compétition pour passer patineurs professionnels. Au cours de
la tournée ovationnée d'Holiday on Ice, Sarah fatigue, se sent démotivée. Et c'est auprès de son nouveau compagnon que tout ressurgit soudainement, comme « un flash, une bombe atomique qui éclate, l'image de mon entraîneur qui vient s'assoir sur mon lit ». Encouragée par son compagnon, Sarah brise le silence auprès de ses parents mais n'a pas la force de porte plainte.
Une championne brise l'omerta dans le sport français
Sarah fuit à Miami pour oublier et tenter de se reconstruire, mais malgré sa nouvelle vie, la mère de famille est toujours en proie au mal-être, bien consciente que son bourreau est toujours en place. Et c'est en regardant La Consolation, le film dénonçant les agressions sexuelles subies par Flavie Flament que Sarah décide d'agir. Flavie Flament la met en relation avec la journaliste Emmanuelle Anizon qui commence son enquête. Tout le monde savait qu'il y avait « un problème » avec Beyer, mais il lui faut trouver d'autres patineuses victimes qui acceptent de parler. Mais le silence règne en maître sur ce petit monde qui se protège. Sarah, de son côté, ne parvient toujours pas à libérer complètement sa parole, jusqu'en 2020 où elle trouve le courage de se livrer dans l'ouvrage Un si long silence. « Une bombe nucléaire » s'abat alors sur l'univers du patinage. Et l'onde de choc ne tarde pas à se propager sur le sport tout entier. Tout s'accélère. Prise dans une tempête médiatique, Sarah commence à parler à la radio et, en quelques secondes, divulgue trente années de souffrance passées sous silence. Beyer reconnaît enfin les faits et est suspendu de ses fonctions. Une première victoire. Et pas la dernière. La ministre des sports Roxana Maracineanu ne veut pas en rester là et exige la démission de Didier Gailhaguet, président de la Fédération française des sports de glace (FFSG). S'ensuit le début d'une prise de conscience collective, un déferlement de la parole sous le hashtag #Balancetonsport, où les athlètes, tous sports confondus, brisent enfin le silence. « Ma honte se transforme en fierté et ça, c'est ma plus belle médaille olympique », déclare celle qui a courageusement ouvert la voie.

#BALANCETONSPORT
En janvier 2020, L'Obs publie un entretien avec Sarah Abitbol à propos de la publication de son livre, Un si long silence. Elle déclare « J'ai été violée par mon entraîneur à 15 ans ». Elle l'accuse de viol, d'attouchements et de harcèlement sexuel, entre 1990 et 1992, alors qu'elle était âgée de 15 à 17 ans. Sarah Abitbol déclare qu'elle n'a pas souhaité porter plainte, les faits étant prescrits.
Elle déclare également qu'en 2007, alors que son ancien entraîneur, Gilles Beyer, devient le dirigeant du club des Français volants de Paris, elle aurait alerté un ministre (sans préciser s'il s'agissait de Bernard Laporte ou de Jean-François Lamour), qui lui aurait répondu après deux jours que les services du ministère étaient au courant d'une affaire judiciaire, mais que le ministère devait « fermer les yeux ». Le même jour du 29 janvier 2020, le journal L'Équipe rappelle d'une part que l'affaire à laquelle il est fait allusion est celle concernant Hélène Godard, patineuse qui accuse également la même personne de viol lorsqu'elle était âgée de 12 ans, et qui accuse également un autre entraîneur lorsqu'elle était un peu plus âgée.
Après la dénonciation publique de Sarah Abitbol, le club parisien des Français volants a annoncé le 31 janvier avoir démis de ses fonctions son manageur général, Gilles Beyer. Ce dernier concède des relations « intimes inappropriées » et présente « ses excuses » à Sarah Abitbol3.
Le 2 février 2020, Sarah Abitbol refuse de dire quel ministre elle aurait contacté en 2007. Le ministre Jean-François Lamour déclare qu'il ne se souvient pas d' avoir été contacté à ce sujet. Le ministre Bernard Laporte ne fait pas de déclaration4.
Sarah Abitbol accuse également Didier Gailhaguet, patron de la Fédération française des sports de glace depuis 20 ans, d'avoir couvert les agissements de son ancien entraîneur et demande sa démission. Un collectif d'anciens sportifs et professionnels lance également une pétition à son encontre pour demander sa démission « pour manquement à la sécurité des enfants depuis plus de 20 ans »5. Le 3 février 2020, Didier Gailhaguet est convoqué par Roxana Maracineanu, afin de justifier le choix d'avoir maintenu Gilles Beyer dans sa fonction d'entraîneur, malgré une mesure d'interdiction d'exercer auprès de mineurs après une enquête au début des années 20006. Malgré le refus de Didier Gailhaguet de démissionner, Sarah Abitbol déclare : « Je suis soulagée de voir que la ministre a pris la mesure du problème. »7. Elle a indiqué qu'elle souhaitait rencontrer Brigitte Macron, engagée sur les sujets touchant à la protection de l'enfance, qui a répondu favorablement à sa demande8.
Le 4 février, le parquet de Paris ouvre une enquête préliminaire pour viols et agressions sexuelles sur mineurs. Les faits étant prescrits, le procureur de la République de Paris déclare que l'enquête vise à « identifier toutes autres victimes ayant pu subir, dans le contexte décrit, des infractions de même nature »9.
Le livre de Sarah Abitbol paraît dans un contexte du Mouvement #MeToo, de libération de la parole des victimes de violences sexuelles et caractérise le premier témoignage dans le monde sportif.

Gilles BEYER: Autorité et méthodes hors-normes
« Depuis la sortie de ce livre, je suis devenu le salaud, le violeur de jeunes filles. » Gilles Beyer en est à son deuxième jour de garde à vue. Face à lui, une enquêtrice de la brigade de protection des mineurs (BPM) de Paris qui, en ce début janvier 2021, boucle avec son audition près d'une année d'investigations, lancées dans la foulée de la sortie de l'ouvrage de Sarah Abitbol. Sans le nommer, l'ancienne patineuse, médaillée mondiale, accuse au fil des pages d'« Un si long silence » son ex-entraîneur de l'avoir violée à plusieurs reprises lorsqu'elle était adolescente, en marge de son apprentissage au début des années 1990. « Il aura fallu trente ans pour que ma colère cachée se transforme enfin en cri public, écrit-elle. Vous avez détruit ma vie. »
Chargée de l'enquête, la brigade de protection des mineurs a placé en garde à vue M. Beyer un mercredi matin. La garde à vue a été levée le vendredi matin, et une information judiciaire, ouverte par le parquet de Paris. M. Beyer a finalement été mis en examen par un juge d'instruction pour « agressions sexuelles par personne ayant autorité et harcèlements sexuels par personne ayant autorité », puis placé sous contrôle judiciaire.
Une source proche du dossier a rapporté à l'AFP que les accusations anciennes de plusieurs femmes, mineures au moment des faits supposés, étaient prescrites, dont celles qui ont été portées par Mme Abitbol.
Selon cette même source, seules des accusations plus récentes, portées par six femmes majeures au moment des faits supposés, n'étaient pas prescrites et pouvaient faire l'objet de poursuites. Trois d'entre elles accusent M. Beyer d'agression sexuelle.
Plusieurs patineuses ou anciennes patineuses ont, elles aussi, accusé M. Beyer dans la presse, comme Hélène Godard, Laure Detante, ou encore Najma Mahamoud, championne de France juniors en 2014. Sabina Mahamoud, la mère de cette dernière, s'est dite à l'AFP « soulagée et confiante pour que justice soit faite ».Omerta
Dans le monde fermé du patinage artistique, le livre de Mme Abitbol avait brisé la glace et entraîné un flot de révélations. D'autres patineuses avaient porté des accusations d'agressions sexuelles, de harcèlement sexuel ou de chantage visant d'autres entraîneurs ou ex-entraîneurs de patinage.
Le président pendant plus de vingt ans de la Fédération française des sports de glace (FFSG), Didier Gailhaguet, avait été contraint après un long bras de fer de démissionner de son poste au début de février 2020, sous pression de la ministre des sports, Roxana Maracineanu.
Elle avait dénoncé la responsabilité de Gailhaguet quant au retour dans le circuit de Gilles Beyer, malgré une enquête administrative effectuée au début des années 2000, pour des attitudes inappropriées avec des patineuses, qui avait conduit le ministère à le sortir de ses rangs en 2001. Didier Gailhaguet, 66 ans, avait assuré n'avoir jamais protégé Gilles Beyer et avait tenté de contre-attaquer en mettant en cause le ministère.
Source: Wikipedia.fr:/Radiofrance.Fr/Francetvetvous.fr/lemonde.fr